La notice « Pour Sçavoir la Vérité » a été écrite après l'édification de la seconde chapelle à Lirey, soit en 1525 ou peu après. Cette datation provient du texte même de la notice. En 1525, le Linceul n'a pas été exposé à Lirey depuis au moins 1418, car il a été retiré de la chapelle en 1418, en le remettant sous la protection de Humbert de Villersexel, à son château de Montfort, pour le protéger des brigands. Il n'y reviendra pas, Marguerite de Charny ayant cédé le Linceul au duc de Savoie en 1453 sans l'autorisation des chanoines de Lirey. C'est pour dénoncer cette perte, et expliquer la façon que le Linceul fut obtenu par Geoffroy de Charny, que la notice a été écrite. Ainsi, ce document historique est d'une importance capitale pour mieux comprendre l'histoire du linceul de Turin.
On a attribué ce titre à la notice en utilisant les quatre premiers mots de sa première page, après « et premièrement ». On peut voir ces quatre mots sur la photographie d'une copie du manuscrit :
Les premiers mots de la notice « Pour Sçavoir la Vérité ». Extrait de la première page du manuscrit L 746/2/1, Archives nationales de France (AnF). |
Il est remarquable que la notice « Pour Sçavoir la Vérité » ait été ignorée par les historiens du Linceul. Non pas qu'elle n'a pas été mentionnée et publiée dans le passé, mais plutôt en considérant ses implications sans y introduire des hypothèses douteuses. Par exemple, la notice affirme que le roi Philippe VI a donné le Linceul à Geoffroy de Charny après sa tentative de reprendre la ville de Calais. Est-ce qu'une telle affirmation est plausible en considérant les reliques disponibles par le roi, soit à la Sainte-Chapelle de Paris? Cela est plausible, car il y a bien eu la réception d'une Sainte Toile à la Sainte-Chapelle, et elle semble disparaître du lot des reliques. Malheureusement, c'est une implication naturelle qui n'a pas été étudiée sérieusement par la majorité des historiens du Linceul. Nous avons encore aujourd'hui de nombreux auteurs faisant passer le Linceul par Besançon, avec la participation d'Othon de la Roche, ajoutant ainsi des éléments historiques très douteux, car ne reposant que sur des documents historiques démontrés sans valeurs ou probablement faux.
La première publication complète de la notice a été produite en anglais, et non en français, par Dorothy Crispino, en 1988 (voir Crispino). Toutefois, l'analyse sommaire de Mme Crispino est très négative, déclarant la notice sans valeur et ne contenant « aucune vérité » (« There is scarcely a word of truth in it, Crispino, p. 2). C'est une évaluation nettement exagérée, car la notice contient de nombreux faits historiques cohérents avec les chroniques de France et autres documents bien connus. Par exemple, la tentative de la prise de Calais par Geoffroy de Charny en 1350; le don du Linceul par Marguerite de Charny au duc de Savoie; et plus encore. Il est vrai que la notice contient des inexactitudes et une libération miraculeuse de Geoffroy qu'aucun historien ne pourrait agréer.
Hilda Leynen a publié la première transcription en français en 1994, et republié par le Père André-Marie Dubarle en 1998 (voir Dubarle et Leynen). (Note: selon Hilda Leynen, Edward Wuenschel a fait une transcription de la notice avant 1964, mais sans la publier.)
Sur quelle « Vérité » la notice porte-t-elle? Rien de moins que sur la date, la raison, et l'identité du donateur du Linceul à Geoffroy de Charny.
Selon la notice, Philippe VI de Valois, roi de France, a gracieusement donné le Linceul à Geoffroy de Charny après sa libération des Anglais, après sa vaine tentative de reprendre la ville de Calais dans la nuit du 1er janvier 1350. Ce fait d'armes de la guerre de Cent Ans est bien connu par les grandes chroniques de France, dont celle de Jean Froissart qui en décrit de nombreux détails, dont la mort de compagnons de Geoffroy, son emprisonnement, et le festin organisé par le roi Édouard III où il fait une remontrance à Geoffroy pour son manque de respect à son égard. Un manuscrit illuminé des chroniques de J. Froissart présente la confrontation de Geoffroy et le roi Édouard lors de la bataille (voir figure 1). On reconnaît les protagonistes par leur blason, Geoffroy de Charny à gauche (blason de gueules à trois écussons d'argent) et Édouard III à droite (blason de gueules à trois léopards d'or).
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Figure 1. Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des manuscrits, Français 2662, folio 172v. |
Toutefois, selon certains documents historiques, dont la chronique de J. Froissart, Geoffroy de Charny a été libéré en juillet 1351, mais Philippe VI est décédé le 22 août 1350. Il y aurait donc une contradiction de dates entre la notice et certaines chroniques historiques. La notice apparaît contenir des erreurs historiques, mais on ne peut s'attendre à aucune erreur d'une telle notice.
Si le don a eu lieu en 1349, c'est-à-dire avant la tentative de la prise de Calais, Geoffroy de Charny n'a probablement pas apporté la relique à Lirey avant plusieurs mois ou même seulement après sa libération de Londres en 1351. De toute façon, il est certain qu'avant 1353, les chanoines n'étaient pas présents à Lirey. Ainsi, ceux-ci n'ont pu enregistrer la présence du Linceul avant 1353 et ils ont pu croire que le Linceul avant été donné après sa libération de Londres.
L'auteur de la notice repasse en longueur la tentative soldée par un échec cuisant, la mort de plusieurs compagnons de guerre, et la mise en détention de Geoffroy. Le début de la notice est prometteur, car son auteur indique clairement qu'il tente de connaître ce qui est vrai en utilisant plusieurs sources: la mémoire de certaines personnes locales, les chroniqueurs de France, et des documents des archives de la chapelle de Lirey. Mais l'auteur attribue le titre de Comte au simple seigneur Charny, construit une délivrance merveilleuse où un ange sous la forme d'un jeune homme l'aide à déjouer ses geôliers, croit que Geoffroy a été libéré avant le décès de Philippe VI, et confond deux emprisonnements de Geoffroy : celle de 1343 après la bataille de Morlaix et cette tentative de reprendre Calais. La bataille de Morlaix n'est connue aujourd'hui que par une chronique anglaise, dont le Père André-Marie Dubarle en a publié une description.
Finalement, il est très peu probable et même inconcevable que Philippe VI ait pu donner le Linceul en toute connaissance de son importance. Cela n'a pu se faire que dans une ignorance de la présence de l'image sur le linge. Cela est possible, car le linge était fort probablement plié à cause de sa taille, et peut-être même protégé de telle façon qu'il était difficile de le déplier. Par exemple, fermé sur lui-même et cousu sur ses bords pour empêcher les regards indiscrets. Cela serait cohérent avec le secret dans lequel le Mandylion était gardé à Constantinople. Le Mandylion est la source la plus probable d'un don du Linceul, car il était arrivé à la Sainte-Chapelle de Paris en 1241 parmi les reliques cédées à Louis IX.
Les reproductions photographiques dans la marge gauche de cette page web sont une copie de la notice conservée aux Archives nationales de France (AnF), manuscrit L 746/2/1. Le manuscrit est suffisamment clair et lisible pour permettre de lire directement le texte sans dépendre d'une transcription. Toutefois, une transcription de la notice, faite par Hilda Leynen en utilisant un autre manuscrit (Bibliothèque nationale de France (BnF), Collection de Champagne, vol. 154, folios 133-136), et publié par le Père André-Marie Dubarle dans le second tome d'Histoire ancienne du linceul de Turin, est reproduite plus bas sur cette page web. Une version partiellement modernisée et structurée de la notice suit cette transcription.
(folio 133R)
Pour scavoir la verité de lancienne fondation de ceste presente eglise Notre(folio 133V)
avoit par sa proesse et grands faicts d'armes retiré led.(folio 134R)
pour estre la (là) Dieu et icelle glorieuse Vierge Marye(folio 134V)
et quil eust tousiours bonne confidence en la Vierge Marye(folio 135R)
soixante livres tournoiz. Et depuis encor le roy Jehan filz dud.(folio 135V)
aultres riches adornemens servant au service divin,(folio 136R)
avoit la garde de l'auriflant (1) y fut tué et occis, qui fut(folio 136V)
Lirey.Pour savoir la vérité de l'ancienne fondation de cette présente église Notre-Dame de Lirey, ainsi qu'il est attesté tant par les anciennes chroniques de France, les titres et autres informations qui sont en cette église, et aussi par quelques personnes notables. Elle a été premièrement fondée, dotée et édifiée en l'an 1348 de Notre Seigneur par feu de bonne mémoire Messire Geoffroy de Charny, chevalier, comte dudit Charny et seigneur de ce présent lieu de Lirey et descendant des anciens ducs de Bourgogne et des sénéchaux de Champagne, les barons de Joinville, gouverneur et lieutenant général pour le roi de France, Philippe de Valois.
Philippe de Valois, en ses pays de Picardie, fit envoyé [Geoffroy de Charny] accompagné du Seigneur de Montmorency avec quinze cents lances aux frontières de Picardie pour recouvrer la ville de Calais que le roi Édouard d'Angleterre avait naguère prise par assaut de Philippe de Valois, roi de France. Le comte de Charny réussit tellement bien qu'en peu de temps il assiégea la ville de Calais de toutes parts, en même temps, et avait entrepris par un moyen secret de prendre d'assaut le château de Calais où étaient le roi d'Angleterre, son fils le prince de Galles avec un grand nombre de militaires pour défendre le château contre la puissance du comte de Charny. Mais cette entreprise fut découverte par un Génois, [qui avertissa] le roi d'Angleterre Édouard, qui pour cette cause, amassa un grand nombre de gens de guerre au château. Ils étaient douze contre un, attaquant le comte de Charny et ses compagnons qui combattirent vaillamment de toutes parts de telle sorte qu'il y eut plusieurs Français massacrés et tués. Entre autres, le Seigneur Montmorency y fut tué et d'autres furent fait prisonniers dans la ville de Calais et mis dans une grosse tour où il fut inhumainement traité par le roi Édouard d'Angleterre pendant neuf mois entiers.
Et, il [le roi Édouard] l'avait en grande haine parce que le comte de Charny et seigneur de ce lieu de Lirey avait, par ses prouesses et grands faits d'armes, retiré Philippe de Valois, roi de France, des mains des Anglais à la bataille de Crecy près d'Abbeville, en l'an 1346, à laquelle il [le roi Philippe] fut en très grand danger. Or, Philippe de Valois envoya de nombreuses fois des ambassadeurs au roi Édouard pour tirer hors de captivité le comte de Charny, mais il [le roi d'Angleterre] était décidé de le faire mourir en cette captivité disant que si le comte de Charny était hors de ses mains, il causerait un jour la perdition, non pas seulement de sa ville de Calais, mais de plus grandes choses. Et pourvu qu'il fût détenu prisonnier, il ne craignait pas la puissance du roi de France, Philippe de Valois, car, il [le roi Édouard] détenait l'aigle de la chevalerie de France, qui était le comte de Charny, prisonnier.
Quand le comte de Charny, en si grande misère était détenu prisonnier, il fut averti que le roi Édouard était décidé de ne pas prendre une rançon pour lui, mais voulait le faire mourir en une telle captivité, [le comte de Charny] ayant seulement une parfaite confiance et espérance en Dieu le créateur et à la Mère de grâce et de miséricorde, la glorieuse Vierge Marie, en laquelle il avait une singulière dévotion; ayant aussi souvenir du haut et grand mystère de l'Incarnation du fils de Dieu pour la rédemption des humains dont toute l'Église catholique célèbre solennellement chaque année le jour de l'annonciation de la glorieuse Vierge Marie; en ce dit jour à deux genoux si humblement et dévotement autant qu'il le peut en sa prison, il se prosterna et lui fit requêtes et oraison que par ses dignes mérites et intercessions, qu'Elle ait pitié et compassion de lui et voulait le tirer hors de captivité et des mains du roi Édouard d'Angleterre. Et qu'en son honneur et exaltation et spécialement de l'annonciation que l'ange Gabriel lui annonça, quand elle conçut le fils de Dieu, il lui ferait bâtir et édifier une église, laquelle il doterait suffisamment (folio 134R) pour être là, le Dieu et la glorieuse Vierge Marie seraient servis journellement.
Le comte de Charny n'avait pas encore terminé son oraison qu'un ange vint à lui, comme il est à croire en forme d'un jeune homme soi-disant serviteur du concierge et seigneur qui avait la garde de la tour où il était détenu, lui disant que ledit roi d'Angleterre était décidé à le faire mourir en une telle misère et calamité, mais que s'il voulait croire à son conseil et soit acquitté des promesses qu'il avait faites, il n'y a pas longtemps, à Dieu et à la Vierge Marie de lui faire bâtir une église en son honneur, il le mettrait bientôt hors de captivité. Ledit comte de Charny fut fort émerveillé : qui lui avait révélé son oraison et promesse? À quoi lui répondit le jeune homme que c'était la Vierge Marie qui l'avait envoyé pour lui dire, et qu'avec son aide, il le mettrait la nuit prochaine hors de cette captivité.
Le jeune homme ne faillit pas à cette entreprise, car quand la nuit fut venue, il vint à la tour où était le comte et le jeta hors de celle-ci en fermant les portails et portes après lui, en lui disant qu'il eut toujours bonne confiance sans aucune crainte et avec l'aide de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie, il serait avant le jour en sûreté. Il lui dit que cette nuit les Anglais seraient assemblés à la grande place de cette ville de Calais pour combattre les Français qui étaient en garnison en une petite ville d'une distance d'un petit lieu et qu'il considérait sortir avec eux. Pour mieux faire, il lui donnerait armes et habits à la mode anglaise, de telle sorte qu'il ne serait reconnu, ce que le comte de Charny accepta. Et après qu'il eut été armé et habillé à la mode anglaise, le jeune homme le mena jusqu'à la place où étaient assemblés les Anglais et était si bien armé et habillé à leur mode qu'il ne fut reconnu. Le jeune homme prit congé de lui en disant que quand les Anglais sortiront, qu'il n'attende pas de sortir avec eux.
(folio 134V)
Et qu'il eut toujours bonne confiance en la Vierge Marie et le plus tôt que possible qu'il s'acquitta de ses promesses faites, ce que fis le comte, car quand les Anglais sortirent dehors de la ville, le comte de Charny se mêla avec eux et les Anglais pensaient qu'il fut Anglais comme eux. Et ainsi ils marchèrent jusqu'assez près de cette petite ville où étaient les Français en garnison, lesquels pensaient les trouver endormis.
Mais les Français avaient été avertis de leur entreprise et les repoussèrent vaillamment de telle sorte que les Anglais furent vaincus à un tel point qu'ils furent tous tués ou fait prisonniers, entre lesquels fut comte de Charny, prisonnier comme Anglais par messire Eustache Richemont, capitaine français, lequel le reconnu immédiatement être le comte de Charny, ce qui fut aussitôt annoncé à toute l'armée des Français, lesquels se mirent en grande liesse et firent des feux de joie.
Le roi Philippe de Valois qui était en sa ville à Amiens avait été averti que le comte de Charny était sorti de prison, et désirant savoir par quels moyens, l'envoya quérir pour savoir plus amplement la manière de sa délivrance. Au commandement duquel vint immédiatement le comte de Charny, en ladite ville Amiens où il fut honorablement reçu, et par le commandement du roi y furent faits feux de joie et appris (sceut) le dit roi de Philippe de Valois par le dit comte de Charny les moyens de sa délivrance dont ils furent fort joyeux et émerveillés. Et en louant beaucoup et approuvant sa grande dévotion et bon vouloir et afin que ladite église de Lirey fût plus révérée et honorée lui donna le Saint Suaire de notre Seigneur sauveur et rédempteur Jésus Christ avec une belle portion de la vraie Croix et plusieurs autres reliques et sanctuaires pour être mis et colloqué en l'église qu'il espérait et proposait bâtir, édifier et douer en l'honneur de la glorieuse Vierge Marie.
Et pour être participant aux prières et oraisons de cette église, lui [Philippe de Valois] donna congé et permission de donner à ladite église pour dotation jusqu'à la somme de deux cents (folio 135R) soixante livres tournois. Et depuis encore le roi Jean fils dudit Philippe de Valois donna aussi au dit comte de Charny pouvoir et permission de donner et augmenter la fondation de cette église outre la grâce de son père jusqu'à la somme de cent livres tournois. Le tout de rentes amortis sans en payer aucune finance à cause de grâce spéciale pour les grands et agréables services que leur avait fait le dit comte de Charny. Après qu'il eut pris congé du dit roi de France, Philippe de Valois, (le comte) s'en alla en ses terres de Champagne même, au présent lieu de Lirey, pour s'acquitter des promesses par lui faites à la Vierge Marie, il fit édifier en ce présent lieu une petite église ou chapelle de bois tant seulement pour la malice du temps que pour lors régnait en ce pays, laquelle toutefois doua bien amplement de grandes rentes et bons revenus, mais à cause des grandes guerres et mortalités qui dans ce temps gâtait tout ce pays était demeuré quasi inhabité en sorte que lesdites rentes et revenus ont été quasi complètement dépéris, perdus et annihilées.
Le comte de Charny donna aussi, à ladite église, le Saint Suaire, la vraie croix avec plusieurs autres reliques, qu'il avait fait adorner bien richement et mêmement une belle tour toute d'argent à la similitude et semblance de celle où il avait été prisonnier à Calais, en laquelle il y a plusieurs saintes reliques, lesquelles saintes choses, sanctuaires et reliques, sont encore présents en cette église.
Excepté toutefois ledit Saint Suaire, lequel depuis, malicieusement et furtivement, a été transporté au pays de Savoie ayant autrefois promis de le rendre et cependant, en faire grosse redevance à cette église pour les dommages et intérêts dont les lettres et enseignements sont en cette église. Je sais quoiqu'ils n'en aient rien fait. Et pareillement y sont encore les grosses et fortes armoires ou était conservé et soigneusement gardé ledit Saint Suaire. Pareillement, ledit comte de Charny donna à cette église plusieurs (135V) autres riches adornements servant au service divin, comme calices, livres et vêtements et autres choses à la décoration de cette église. Et y procura aussi plusieurs pardons et indulgences pour les bienfaiteurs, avec privilèges, grâces et prérogatives en affranchissant et exemptant ladite église et les sujets de celle-ci et ledit seigneur, sa femme, enfants et serviteurs et leurs successeurs, à tout jamais, de la paroisse de Saint-Jean de Bonneval sur les territoires de laquelle elle est située et assise moyennant certaine bonne grosse récompense qu'il en donna à ceux qui pourraient avoir intérêts et de leur consentement moyennant aussi les autorités de tous ceux qui appartenaient, le tout conforme et approuvé par le Saint-Siège apostolique.
Et fonda aussi ledit comte de Charny en ladite église six chanoines ou chapelains de sa plénière collation et des successeurs seigneurs dudit Lirey dont l'un serait doyen élu par les autres chanoines de cette église, qui prendrait double distribution et qui aurait la charge d'administrer les sacrements de la Sainte Église, excepté le baptême, tant au dit seigneur, sa femme, enfants et serviteurs domestiques que aussi aux dits chanoines et autres serviteurs de ladite église et ses successeurs.
Ordonna encore deux enfants de choeur et un marglier être mis la volonté et discrétion des doyens et chanoines lesquels le fondateur chargea de dire, chanter et célébrer tous les jours, et à toutes les heures canoniales, hautes messes a notte sous les coutumes et cérémonies de l'église de Troyes et plusieurs autres ordonnances à l'honneur de Dieu contenues en ladite fondation.
Il avait l'intention de faire encore plusieurs autres grands biens s'il n'eut été prévenu de mort à la bataille près de Poitiers entre le roi Jean, fils de Philippe de Valois, et le prince de Galles, fils d'Édouard roi d'Angleterre, en laquelle bataille fut fait prisonnier le dit roi Jean. Et le comte de Charny fondateur de cette présente église et seigneur de ce lieu de Lirey, qui portait l'enseigne environ dudit roi Jean et qui~(folio 136R) avait la garde de l'oriflamme, fut tué, environ sept ans seulement après avoir commencé à bâtir cette église, laquelle comme on pouvait le voir, n'était édifiée que très petitement et légèrement de bois en attendant meilleure fortune du temps, et non pas si grande quelle est à présent.
Car la présente église a été construite, et édifiée, ainsi que vous voyez, depuis l'an mille cinq cent et huit jusqu'à l'an mille cinq cent vingt-cinq, moyennant la grâce de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie, l'aide et aumône des bonnes gens, avec la sollicitude et ce qu'y a pu mettre de sa substance monseigneur Jean Huyart le vieux, chanoine de Troyes et doyen de cette église.
Prier Dieu pour les trépassés et bienfaiteurs de ladite église. Pater Noster, Ave Maria.