Cette page présente quatre annexes référencées par l'article paru dans le cahier Montre Nous Ton Visage (MNTV), numéro 57, de décembre 2017 (voir la référence [1] Latendresse), car le manque d'espace du cahier ne permettait pas de les présenter.
Ces annexes contienent la liste des reliques et reliquaires cédés par Baudoin II à saint Louis (annexe A) et un résumé des inventaires des reliques et reliquaires de la Grande Châsse de la Sainte-Chapelle de Paris (annexes B, C, et D).
Une attention particulière est apportée à une relique, la Sainte Toile, et à son reliquaire, car c'est la seule relique en possession des rois de France ressemblant au Linceul, et la seule relique qui semble avoir disparu de la Sainte-Chapelle. Ces documents sont présentés pour montrer qu'une toile est parmi les reliques reçues par saint Louis, que le reliquaire de cette toile indique la présence d'un portrait du Christ, que le reliquaire a des dimensions acceptables pour contenir une toile de la taille du linceul de Turin, et que la toile semble disparaître de la Sainte-Chapelle avant 1534. Ainsi, cette toile apparaît bien être la relique que Philippe VI donna à Geoffroy de Charny, aujourd'hui le linceul de Turin, et en accord avec la notice Pour Scavoir la Vérité, écrite par le doyen de la collégiale de Lirey, affirmant cette donation.
Une discussion détaillée des entrées de la Sainte Toile est présentée dans l'article Passage du Linceul par la Sainte Chapelle de Paris, mais résumons ici, très brièvement, la liste des reliques dans la lettre de Baudoin II (annexe A) et les inventaires (annexes B, C, et D), en notant qu'une Sainte Toile est mentionnée au numéro 8 en annexe A, mais qu'aucune toile n'est mentionnée dans les inventaires, mais plutôt un portrait du Christ peint au fond du reliquaire, décrit par plusieurs termes différents: « effigie », « portrait », « Véronique » ou « Sainte Face ». Ces deux derniers termes sont clairement synonymes à un portrait du Christ. L'inventaire L (annexe D, point 1) décrit une difficulté à retrouver la relique, et le mot « trelle » (ou « treille », par Félibien), est utilisé pour décrire la relique, et non une « toile ». C'est un indice essentiel que la Sainte Toile arrivée à la Sainte-Chapelle en 1241, a probablement disparue de la Sainte-Chapelle avant 1534.
En juin 1247, Baudoin II, empereur de Constantinople, rend visite à saint Louis à Paris et lui remet une lettre officielle donnant la liste des reliques qui lui ont été cédées, et transportées à Paris, de 1239 à 1241. Cette liste, écrite en latin, est reproduite dans cette annexe. La Sainte Toile est l'item numéro 8. C'est une « Sainte toile insérée dans une table ». Il n'y a aucune mention d'un portrait, ce qui est nettement différend de tous les inventaires de la Grande Châsse où un portrait est mentionné dans le reliquaire.
C'est le premier inventaire complet des reliques et reliquaires de la Grande Châsse que nous connaissons. Apparamment, il s'est écoulé près de trois siècles depuis l'arrivée de ceux-ci à Paris avant qu'un inventaire complet de la Grande Châsse soit fait. Cet inventaire L présente exactement dans le même ordre la liste des reliques et reliquaires de la lettre de Baudoin II présenté en annexe A.
Le texte est aussi une traduction en français du texte latin de la lettre de Baudoin II. Toutefois, il ne faut pas croire que cet inventaire L est un simple exercice de traduction en français du texte latin. En effet, le préambule de cet inventaire L indique clairement que huit officiels participent à l'inventaire et que chaque relique et reliquaire est identifié dans la Grande Châsse.
Pour l'entrée no 8, le reliquaire de la Sainte Toile, les officiels ont ajouté un commentaire pour indiquer « plusieurs difficultés » à localiser la relique. Une telle difficulté n'est mentionné qu'une seule fois parmi tous les inventaires de la Grande Châsse réalisés sur plus de cinq siècles. Le texte latin a aussi été modifié, car ce n'est plus une toile qui est mentionné, mais une « trelle » (ou « treille »). C'est cette difficulté et la transformation du mot « toile » en « trelle » (ou « treille ») qui laisse entrevoir que la relique Sainte Toile a probablement disparue de la Sainte-Chapelle.
L'inventaire de 1740 des reliquaires et reliques de la Grande Châsse est très long. Chaque reliquaire est longuement décrit avec peu de détail sur la relique quel contient. Nous reproduisons une partie de cet inventaire où les descriptions des reliquaires ont été écourtées à l'exception des reliquaires numéros 18 (reliquaire de la pierre du sépulcre) et 19 (reliquaire de la Sainte Toile). Les descriptions des reliques sont en caractères gras et non pas été écourtés. On remarque ainsi que pour le reliquaire de la Sainte Toile qu'aucune toile n'est mentionnée.
Voici une liste de tous les inventaires de la Grande Châsse de la Sainte-Chapelle de Paris, mais seulement les entrées du reliquaire de la Sainte Toile sont présentées dans cette annexe, ce qui réduit substantiellement la longueur de ces inventaires. Chaque entrée d'un inventaire présenté dans cette annexe est précédée de deux nombres n/m, ce qui signifie que c'est la nième entrée parmi m entrées (l'inventaire a m reliquaires) de l'inventaire. Ces deux nombres nous permettent de voir que le reliquaire de la Sainte Toile est placé vers le début de la liste pour les premiers inventaires, mais est relégué vers la fin, sinon à la fin, dans les inventaires tardifs. Les reliques considérées les plus précieuses étaient au début des listes des inventaires. Ainsi, après ce qui semble être la disparition de la Sainte Toile, ce qui reste dans le reliquaire, une effigie peinte dans le fond du reliquaire, n'a plus une grande valeur par rapport aux autres reliques.
Les sources de ces inventaires sont indiquées en référençant les transcriptions d'Alexandre Vidier (voir les deux publications dans la section des références disponibles en ligne [Vidier]) et aux manuscrits des Archives nationales de France (AnF) ou de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Les manuscrits sont utiles pour vérifier les transcriptions d'A. Vidier.
L'inventaire A est particulier, car ce n'est pas seulement un inventaire de la Grande Châsse, mais un mélange de divers reliques et reliquaires de la Sainte-Chapelle. L'entrée 11 est un reliquaire et une relique difficiles à identifier avec certitude, mais cette entrée ne semble correspondre qu'au reliquaire de la Sainte Toile. Si cette entrée 11 est bien celui du reliquaire de la Sainte Toile, celle-ci est décrite comme « ung grant sainctuaire ». Ce serait ainsi une grande toile.
11/24. Item ung escrin de fust peint où il y a ung grant sainctuaire sans escript.
8/22. La saincte trelle inserée à la table.
A. Vidier a ajouté le texte suivant immédiatement à la suite du mot « table »: « [où est la face de Nostre Seigneur Jesus Christ]». Ce texte ne se trouve pas dans le manuscrit d'AnF. Comme le mentionne A. Vidier, ce texte entre crochet a été emprunté dans l'édition de M. Félibien (voir plus bas).
Note: le texte utilise « trelle » et non le mot « toile » qui est attendu, car le texte latin de la lettre de Baudoin II (annexe A) utilise le mot « toellam ». Il n'y a pas d'erreur de transcription, car le manuscrit AnF (P 2309) a le mot « trelle ». Ce mot apparaît trois fois dans cet inventaire. L'usage de ce mot « trelle » peut s'expliquer par le commentaire ajouté à la fin de l'inventaire (voir le prochain paragraphe). Il semble que les officiels se sont résignés à remplacer le mot « toile » par le mot « trelle » pour cacher le fait que la toile était introuvable. Cela n'a du sens que si un treillis était visible dans l'effigie. Le mot « trelle » n'appartient pas au vieux français, mais Félibien (voir plus bas) l'a transcrit en « treille », ce qui veut dire treillis en français moderne.
Le commentaire suivant est ajouté après la liste des reliques:
Et au regard du huitième article, contenant la trelle inserée à la table, après plusieurs difficultés, a esté finallement trouvée en un grand reliquaire et tableau garny d'argent surdoré, où y a apparence d'une effigie, ladite trelle comme consommée contre ledit tableau, autour, environ et dans ladite effigie.
From Félibien [Félibien, p. 150]:
8/22. La sainte Treille, insérée à la table où est la face de N.S.J.C.
Note: Il s'agit bien du mot « Treille » et non « Toile ».Le commentaire suivant est ajouté après la liste des reliques:
Et au regard du huitième article, contenant la treille inserée à la table, après plusieurs difficultés, a esté finallement trouvée en un grand reliquaire ou tableau garni d'argent surdoré, où il y a apparence d'une effigie. Note: le commentaire de Félibien est plus court que celui du manuscrit d'AnF, car la partie finale après le mot « effigie » n'est pas présent. M. Félibien emploie « ou » entre les mots « reliquaire » et « tableau » plutôt que « et » dans le manuscrit d'AnF.
19/19. La Veronique, où il y a faute de dix pierres.
19/19. La Veronicque, où y a faulte de dix pierres.
19/21. Une autre boette, de vingt deux pouces de long sur quinze pouces de large, aussy couverte de lames d'argent et garnye de quelques pierres précieuses; au dedans de la ditte boette, le fond est revêtu de lames d'or dans tout le contour, et dans le milieu est la représentation de la sainte face de Notre Seigneur, ou la Véronique.
18/20. Une sainte face.
Cet inventaire n'a pas été fait à la Sainte-Chapelle, mais à l'abbaye Saint-Denis. Cet inventaire s'applique à la Grande Châsse et à d'autres reliques provenant de la chapelle basse de la Sainte-Chapelle.
18/55. Une sainte face.
Cet inventaire est non daté, mais similaire à l'inventaire DD et fait à l'abbaye Saint-Denis. Le texte est similaire à l'inventaire R.
18/20. Une autre boite de 22 pouces de long [etc. R 19]
Ce dernier inventaire a été fait à la Sainte-Chapelle quand les reliques et reliquaires de la Sainte-Chapelle qui avaient été transportés à l'abbaye Saint-Denis ont été retourné à la Sainte-Chapelle. Peu après cet inventaire, les reliques ont été détruites ou dispersées. C'est le seul inventaire décrivant le reliquaire de la Sainte Toile ayant un couvercle coulissant. Le reliquaire no 17 (pour la pierre du sépulcre) a aussi un couvercle coulissant. Ce qui explique que cette entrée no 18 débute par « Une autre boite ». Ce couvercle coulissant du reliquaire de la pierre du sépulcre est aujourd'hui au Musée du Louvre.
18/35. Une autre boite à coulisse contenant un portrait.